"Se coudre les paupières pour ne plus voir rien."

"Et dans ce décor sans couleur, l'orphelinat des cœurs brisés nous invite a perdre le goût, des petits instants de bonheur qui jadis étaient faits pour nous..." Barcella & Emilie Loizeau

 

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Je reconnais si bien la scène qui se joue devant moi, en moi, malgré moi. Je la reconnais si bien pour l'avoir vécue à plusieurs reprises, pour y avoir survécu mais au prix de, je ne sais pas, je ne peux pas mesurer avec exactitude tout ce que j'ai perdu dans la bataille. Le noir abyssal. L'envie de mourir dès les paupières ouvertes. Les nuits entrecoupées de pleurs. Le désir, plus fort que tout le reste, de maigrir, de dispaître, d'oublier, souvent. Le désir d'inexister, surtout. L'envie de ne plus être ou la non-envie d'être, je ne sais pas comment est-ce que l'on dit seulement, je ne sais même pas si elles se disent, ces choses-là. Pardon. Combien de fois faut-il rejouer la scène pour être capable de s'en défaire ? Combien de fois faut-il mourir en silence pour respirer à nouveau ? Les chansons de Renaud qui défilent et celles de Rose aussi, que je connais par coeur. Ces mots qui me donnent envie de pleurer. Une fatigue impénétrable qui transforme le moindre geste en épreuve, qui me cloue au sol des heures durant en fixant le plafond sans retenir les larmes qui affluent. La fuite dans le sommeil et dans les livres, le reste je ne peux plus, je ne sais plus, c'est trop me demander. Pas de sublimation, aujourd'hui, pas l'envie ni le courage de trouver le beau dans tout ce qu'il y a de moche, pas la force de débusquer les sourires ou les désirs enfouis, oh non, plus la force. Depuis quelques jours, le même paysage mais un angle de vision différent. Maintenant, je vois la vie qui se déroule devant moi depuis le dixième étage et le vide m'attire, le non-sens et la boule de chagrin logée dans ma poitrine me font pencher vers l'avant, un peu, pas suffisamment peut-être. 

 

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"J'ai colorié un sourire sur ton visage pâle, 
J'ai fait venir dans la nuit noire d'innombrables étoiles, 
J'ai fait chanter le piano,
J't'ai enveloppé de beau..."
Amelie-les-crayons

 

"Et y'a pas d'horizon cette rivière n'a qu'une rive,
Et puis c'est si profond qu' il faut pas s'étonner, que tout le monde en meurt et que les psys en vivent..." B. Doremus

 

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Des journées passées à vouloir écrire, à espérer que les mots comme un souffle me ramènent à la vie et à ne rien voir venir pourtant. Des journées passées à attendre, donc. Tous ces mots ne viennent pas, ils sont comme morts-nés, avortés, des mots silencieux s'ils sont vivants. Tous ces mots qui ne franchissent pas le seuil de mes lèvres avant de se noyer dans mes larmes. Ils sont revenus ce matin, très tôt, les mots. Je le sais maintenant, parfois il suffit d'attendre, ne pas bouger, ne pas répondre aux mails, laisser l'orage passer et le petit lac de larmes au fond de la gorge se tarir. Parfois, on n'a d'autre choix que de serrer les poings et de fermer les yeux très forts à attendre que la journée finisse enfin. Ce matin, il faisait encore sombre dehors, les mots sont revenus. Je devrais le savoir, pourtant, maintenant, que je peux leur faire confiance, qu'ils sont sans doute les seuls qui ne pourront jamais m'abandonner, qu'ils reviennent toujours, qu'il faut leur laisser le temps parfois. 

 

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Suis-je malheureuse ? Mal-heureuse ? Qu'est-ce que c'est que cette petite chose-là, impalpable, invisible, qui me ronge en silence et m'empêche à la vie ? Pourquoi les autres ne voient-ils pas mon incapacité à vivre ? Suis-je responsable de mon propre malheur ? Est-ce que cela, tout cela, est-ce que cela est ma faute ? Est-ce que j'exagère ? Est-ce que je manque de volonté ? Je le sens bien, pourtant, je le ressens ce nœud à l'intérieur de moi,  mais que pensent-ils, eux, les autres, tous les autres ? Que tout cela n'est que dans ma tête et que je le fabrique ? La fabrique à tristesse, peut-être.

 

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Les jours sans trêves et les nuits sans rêves qu'il y a derrière, devant peut-être, je ne l'espère pas, je croise les doigts comme une enfant pour que ciel m'entende. Ni l'épuisement, ni le chagrin, ni la chimie n'y peuvent rien : le sommeil ne veut pas de moi, mon corps supplie et mon cerveau refuse. Je supplie mais Morphée ne plie pas, je n'ai pas droit au repos. La nuit auparavant était pour moi propice aux mots lorsque je ne dormais pas, à la mélodie des jolies phrases qui viennent sans que l'on ne les cherche, et pourtant, maintenant, ces derniers temps, et pourtant, rien ne vient et le silence m'oppresse. La nuit ne se prête qu'aux confidences que je me chuchote à moi-même. Tous ces mots que je garde et que je voudrais partager pourtant, que je ne parviens pas à formuler, toutes ces pensées et tous ces maux, je voudrais vous les conter, les écrire, mais il y a cet immense mur qui brouille mes idées et écrase ma capacité à dire.

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"Comment ça s'arrête, ah, 

Ces p'tits moulins dans ma tête ? " Loane

 

"Surtout le printemps, surtout l'été, surtout l'automne, surtout l'hiver.
(...)
Je crois donc j'espère."
Grand corps malade

 

* * *

Fin.

 

 

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