Plutôt la vie

Recovery would be let it go...
Recovery would be let it go...

Les marques-pages oubliés s'exposent à la bibliothèque. Parmi eux, suspendus, des cartes postales, un ticket de cinéma, l'étiquette d'un vêtement,  un dessin d'enfant sur un post-it... Ce dernier m'a particulièrement touchée, parce qu'il s'agit d'un dessin d'enfant, évidemment, un bonhomme bâtons comme on dit, mais aussi parce que ce petit post-it m'a rappelé les nombreux petits mots laissés sur ton bureau en quittant ta chambre, et que tu m'as avoué avoir tous gardé dans une boîte... Tous ces post-its collés les uns aux autres, sans doute, qui disent mon amour pour toi, cette marque de tendresse laissée en partant, un mot doux ou un petit cœur, un grigri pour la journée, une lumière pour t'éclairer, une note de musique pour la gaîté. J'ai cherché sur le panneau d'affichage un marque-page qui pourrait être le mien, j'en ai tant perdu que maintenant ils prennent toutes formes, des reçus de carte bancaire, des tickets de cinéma, des photos, des cartes postales, un petit bout de feuille déchiré glissé entre deux pages, une épingle retirée de mes cheveux, ou encore. Ces derniers jours, glissé dans un de mes livres qui parlent des doudous dans tous les sens, la carte postale d'Amandine découverte dans ma boîte aux lettre en début de semaine et qui m'a tant fait sourire, une photographie de mai 1968 qui est bien connue, ce slogan qui clame haut et fort : "Plutôt la Vie". Alors, plutôt la Vie, oui, évidemment. La Vie plutôt que tout le reste.  La vie, la vie, la vie. Plutôt la Vie, même si elle semble nous abandonner parfois, même si elle m'en fait voir de toutes les couleurs, parfois du noir, souvent du noir mais tant pis, continuer d'y croire, la Vie, sa vie à soi, celle dont on rêve en secret, celle que l'on cherche, celle que l'on finira par trouver. Je voulais aussi partager avec vous le joli projet HEAL que j'ai découvert plus ou moins par hasard et qui m'a beaucoup touché. Ces personnes qui parlent de leur vie, justement, leur vie après les troubles alimentaires, de ce que la guérison leur a permis de faire, de vivre, et des portes qu'elle leur a ouvertes. Je regarde tous ces gens qui ont traversé cet enfer et je me sens un peu moins seule, je regarde leurs sourires et je me plais à croire qu'il y a un après. J'ai regardé chaque photographie, chaque petit mot d'espoir, certains m'ont fait rire et d'autre pleurer, ils m'ont tous, chacun, à leur manière, touchée. Alors, j'apporte ma toute petite pierre à l'édifice et j'espère, un jour, pouvoir en parler au présent. Recovery is plutôt que Recovery would be... Let it go, je ne saurais le dire en français, bizzarement les mots justes me sont venus dans une autre langue que ma langue maternelle. En écrivant cela, j'en souri, je pense psychologie et je me dis que c'est peut-être cette ouverture-là, justement, qui me permet d'imaginer une vie sans mes troubles alimentaires, et que peut-être il me faudrait réussir à intégrer autre chose que du maternel dans ma vie pour aller mieux. Parce que, dans le fond, je sais bien que le problème est dans ce lien là... Let go, littéralement laisser passer, lâcher prise, se séparer de. Le cœur du problème. L'expression parfaite. Je retrouve avec un plaisir immense la correspondance avec Allison, qui s'était un peu perdue lorsqu'elle était partie vivre à l'autre bout du monde, je lis à nouveau ses mots qui me touchent et me donnent envie d'y croire encore. J'avais presque oublié cette manière qu'elle a de me voir, la Fantine dans ses yeux et dans ses mots est, je crois, celle que je voudrais être. Allison, l'une des trois (quatre, peut-être) personnes qui a marquée ma vie, ces personnes que l'on est fait pour croiser quoi qu'il advienne, ces âmes sœurs, elle ne le sait peut-être pas et pourtant, elle a été pendant un temps celle qui me reliait à la Vie. Il est de certaines personnes, je le crois vraiment, que nous sommes faites pour rencontrer, qui nous ressemble et dont les deux vies sont intimement liées, de fausses coïncidences, des effets miroirs qui s'entrelacent. La Vie, surtout, je crois, est faite de rencontres, et peut se résumer en cette vieille légende chinoise, la légende du fil rouge qui dit que les Dieux ont attaché à nos chevilles une fil rouge qui relient toutes les personnes dont les vies sont destinées à se croiser, un fil qui ne cassera jamais. Parfois, il suffit simplement de savoir où regarder. Cette escapade avec ma sœur pour faire les boutiques, on va au centre commercial plutôt qu'au centre ville finalement, la pluie menace cette journée d'été qui n'en est pas vraiment une. Je rentre avec quelques petites choses, deux jolies robes et un gilet, des enveloppes et de quoi décorer mes lettres, le plus mignon des blocs de post-it pour laisser des petits mots aux gens que j'aime, et des chaussettes rigolotes (je sais bien, les chaussettes on ne les voit pas, mais que voulez-vous, quand quelque chose me plait, il m'importe peu que ce soit sur un T-shirt ou sur des chaussettes...). 


Un jour, il m'écrit que quand on veut, on peut. Je suis en train de faire les courses, ma main lâche le papier qu'elle tenait et j'ai envie de hurler soudain, les larmes me brouillent la vue, toute la colère et la tristesse de mon corps remontent dans ma gorge, ça me brûle à l'intérieur. Il ne me comprend pas. Je lui réponds des mots d'amertume, j'ai envie d'être méchante : "Alors, je suis ravie d'apprendre que je suis une personne sans volonté.". Bam. Pour ces mots-là, je le déteste. Pour avoir cru qu'il pourrait comprendre, c'est moi que je déteste. La différence, c'est qu'à lui, je lui pardonne. Il ne peut pas comprendre. Je lui pardonne en glissant ma main dans ses cheveux le soir, je lui pardonne en m'endormant à ses côtés. La vie m'a abîmée à force de promesses. Ces promesses, on me les a mises dans le cœur lorsque j'étais toute petite. On m'a soufflées des promesses et on a brisé certains rêves. Il est de certaines choses que l'on ne peut jamais réparer. Un soir où je me suis encore détruire, ce sabotage de soi à petit feu, ce suicide lent et douloureux, cette violence perpétrée contre soi, j'ai décidé de prendre un bain. J'ai fermé la porte de la minuscule salle de bain, j'ai fait couler de l'eau brûlante et je m'y suis glissée sur la pointe des pieds. En écoutant les mélodies nostalgiques de Yann Tiersen j'ai eu envie de mourir, soudain, de me laisser glisser doucement dans l'eau et de m'y abandonner, de lâcher prise. J'ai lu quelques phrases de Winnicot avant de reposer le livre, et j'ai soudain remarqué que sur mon corps tout entier se dessinaient des sillons bleu clair ressemblant à de petits ruisseaux. Sur tout mon corps on pouvait voir des centaines de veines là où je n'en avais jamais vu auparavant. J'ai me suis laissée glissée dans la baignoire jusqu'à ce que ma tête soit immergée, je n'entendais plus le piano, tout était si silencieux soudain, tout était si paisible. J'ai ouvert les yeux et tout était flou, l'air a commencé à me manquer, je ne tenais plus, j'ai inspiré soudain et mon corps s'est relevée d'un bond comme si quelqu'un m'avait tirée hors de l'eau. Respire, Fantine. Sans trop savoir pourquoi, ces dernières nuits mon sommeil est peuplé de cauchemars à propos de noyades. Fermer les yeux me terrifie, je lutte et ce combat est vain, le sommeil vient à bout de mon corps fatigué.

 


Enfin, je partage avec vous cette chanson qui me retourne le cœur à chaque fois que je l'écoute. J'aime toutes les versions des différents artistes qui l'ont interprété mais il m'a fallu faire un choix pour partager avec vous ici, et je ne peux que vous inviter à aller enivrer des autres. Come on, skinny love.

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