La nuit en plein jour

 

La tristesse des nuages m’alanguit. Qu’est-ce qu’il s’est passé dans le ciel pour que ?
Le soleil a disparu. D’un coup d’un seul, voilà.
Depuis quand, ce temps de fin du monde ? Et jusqu’où ?

Il pleut sans discontinuer depuis un temps qui ressemble à une éternité.
Même le jour a les pieds mouillés.
Les flaques d’eau traversent la peau.
L’humidité se loge jusque dans les os. C’est pire que d’habiter dans une piscine. Peut-être qu’un beau jour, le corps se sera habitué. En attendant, les articulations craquent et le mouvement est ralenti.
Je me demande quand est-ce que le ciel aura fini de pleurer.

Les yeux se sont habitués à l’obscurité qui ne disparait jamais tout à fait.
A la nuit en plein jour.
Puisque même au milieu de la journée, on doit se contenter de la lumière des éclairages publics.
Le soleil a laissé derrière lui un noir abyssal.
On fait avec.

Les jours meurent dans une étrange ressemblance pour qui ne compte pas les heures qui s’écoulent.
La vie ces derniers temps ressemble à une nuit sans fin.
Une seule nuit, qui s’étire jusqu’à un point de rupture encore inconnu.
J’attends le bruit de fracas. Il ne vient pas. La nuit dure encore et encore.
J’ai parfois peur qu’elle dure toujours.

Je ne fais rien d’autre qu’attendre.
Mais je ne peux pas accuser le ciel. Je pourrais décider de.
De rallumer quelques lumières ?
Mais non. C’est au-dessus de mes forces.
Mes yeux flottent entre le gris du ciel et le gris du bitume. Tout ce gris.
Je ne vois rien. Dans mes yeux aussi maintenant loge le brouillard.
Je m’oblige à ne penser à rien. A rester immobile. A prendre conscience de tout ce temps qui s’évanouit.
Je recueille du vent entre mes mains et je regarde les oiseaux qui cherchent un abri. Eux aussi ont peur. Je le sens.
Je voudrais que cette pluie battante ne soit plus qu’un souvenir. 
Il faudrait pouvoir oublier.
Je me réveille et m’endors avec l’odeur de la terre mouillé incrustée à l’intérieur de mon corps.
Pourquoi cette impression de me tenir pieds nus au bord du néant ?
Toutes ces images noires, dans ma tête.
J’ai oublié le merveilleux éblouissement de la lumière.