les différentes pièces d'une même maison

 

Tu te sens emportée par le grand vent.

Dispersée.

C'est comme si des morceaux de toi volaient autour de ton corps sans pouvoir se rassembler. Ce ballet là dure depuis des mois, un très grand nombre de jours que tu ne comptes plus. Tu ne sais même plus exactement où ni quand, le commencement. Tu sembles là sans y être vraiment, absente à ce point de ta propre vie que tu as quelquefois peur d'oublier ton nom. De te réveiller un matin amnésique, ou folle, te prenant pour une personne que tu n'es pas ou n'étant plus personne. Ton prénom, tu le chuchotes, tu le répètes pour toi-même, pour repousser l'oubli. Ton prénom, tu le respires, pour t'ancrer dans une réalité que tu as l'impression de ne plus habiter. Puisque tu te tiens au bord de ta vie comme on se tient au bord d'un abîme. Au milieu de cette absence ton corps contrebalance. Il rétablit l'équilibre. Cloué au sol et droit comme un i majuscule. Ancré, lui, dans le présent jusqu'à la douleur. Puisqu'il n'y a que par lui que tu es certaine d'exister encore. C'est comme la corde d'un arc, très tendue. Les muscles noués et les doigts crispés. Le corps fléchi, prêt à se battre.

Et dans ce moment là tu oublies,
dans ce très long moment qui n'en finit pas de durer,

tu oublies que tous ces morceaux de toi,

ne sont que les différentes pièces d'une même maison.